Chantier fonds anciens : restauration à livre ouvert d’une oeuvre de Copernic

Le mardi 26 septembre, Romain Wenz et Claire-Lise Gauvain du Scoop, les organisateurs de ce chantier, ont assisté à une véritable opération chirurgicale dans les locaux de la Bibliothèque Universitaire des Sciences et Techniques.

Monsieur Eininger, expert dans la restauration patrimoniale, avait fait le déplacement pour intervenir sur un ouvrage de Copernic. Une chance pour ce document qui lors de sa parution en 1543 aurait pu être brûlé pour son contenu.

Installé dans le bureau d’Aurélie Delamarre, le restaurateur a pris possession des lieux qu’il a transformés en atelier de restauration.

Scalpels, ciseaux, seringues se sont enchaînés entre ses mains durant environ deux heures pour remettre en état ce précieux livre.

L’ouvrage en question :

Des révolutions des sphères célestes est un ouvrage de l’astronome Nicolas Copernic paru en 1543, année de son décès, dans lequel il avance l’hypothèse héliocentrique, à savoir le fondement de notre système solaire.

L’exemplaire dont il est question dans cette restauration est une première édition.

L’objet de l’intervention :

Bien qu’ayant bénéficié d’une première restauration après 1980, l’ancienne couvrure parchemin montée en début de volume s’est déformée avec le temps et la manipulation. Ces déformations ont provoqué des plis et froissements sur les deux anciennes gardes volantes. Une remise à plat était nécessaire afin de sauvegarder l’ouvrage.

Quelques micro-déchirures avaient été constatées et une réparation faisait partie de cette intervention.

Cette opération était globalement nécessaire pour que cet ouvrage traverse encore des siècles et puisse ainsi être consulté par les générations futures.

Les étapes de la restauration :

  • La première étape consistait à une remise en plis de l’ancienne couvrure parchemin, une remise à plat et restauration des anciennes gardes volantes. Pour cette opération, le restaurateur a humidifié les feuillets concernés à l’aide d’un mélange essentiellement composé d’éthanol et de 2 à 3% d’eau. Ce mélange permet de les travailler, de les manipuler, de les modeler comme on le souhaite tout en ayant des temps de séchage rapides et sans dégrader le livre (la faible présence de l’eau ne risque pas de produire des auréoles). Une fois humidifiées, il a appliqué une pression (presse) à l’aide de cartons et poids après avoir préalablement protégé les feuillets avec des bandes de Bondina, tissus polyester intissé neutre sur lequel la colle n’accroche pas (du papier japon a servi la consolidation) et respecté des temps de séchage.


 


  • La deuxième étape consistait à restaurer des déchirures sur les deux premiers feuillets. Pour cela, le restaurateur a comblé les parties manquantes en insérant des morceaux de papier japon sur le recto et le verso qu’il fixe avec une colle appelée Klucel G.

  • La troisième et dernière étape consistait en la mise en place d’un feuillet volant de papier à la cuve entre la couvrure parchemin et les gardes volantes anciennes afin de prévenir d’éventuels nouveaux plis. Monsieur Eininger a découpé les nouveaux feuillets au format du livre et a appliqué des points de colle pour les intégrer dans la reliure.

 

Comme vous pouvez le constater, patience, minutie et application étaient de rigueur pour arriver à un très beau résultat et préserver ce précieux livre de l’usure du temps.

Et après la restauration :

Il y a une vie après la restauration. L’ouvrage de Copernic sera notamment présenté lors d’ateliers pédagogiques destinés à des élèves du secondaire (nous vous donnons rendez-vous sur le blog en novembre pour une présentation de la journée « Astronomie et navigation »)

Et puis il y a ce travail de recherche mené par Romain Wenz pour décrypter des fragments de manuscrits qui ont servi à renforcer la couverture. L’analyse lui a permis d’identifier les origines suivantes :

– folio initial recto et verso : Saint Augustin, Discours sur le psaume 53 (enarratio in psalmum LXIII ), chapitres 11,12, 13, manuscrit du XIVe siècle

– battant initial (coupé) : Johannes de Sancto Geminiano, 126.?-1333?, Summa de exemplis et rerum similitudinibus locupletissima, Chapitre 21, manuscrit du XIVe siècle

– battant final (coupé) : Jacques de Voragines, Sainte Dorothée (De Sancta Dorothea), page 2, manuscrit du XVe siècle.

– folio final recto et verso : Saint Augustin, Discours sur le psaume 54 (enarratio in psalmum LXIV), chapitres 6,7, 8, manuscrit du XIVe siècle

Pour aller plus loin sur l’ouvrage de Copernic :

Des livres qui en parlent :

Gingerich, Owen ; Szczeciniarz, Jean-Jacques. Le livre que nul n’avait lu : à la poursuite du De revolutionibus de Copernic, Paris : Dunod, 2008, ISBN : 978-2-10-049611-2

Résumé : L’auteur raconte sa quête des exemplaires de De Revolutionibus de Nicolas Copernic, d’un bout à l’autre du monde, avec toutes les difficultés à identifier ou retrouver les ouvrages. Les lecteurs apprendront tout aussi bien les bases de l’astronomie du XVIe siècle, les personnalités extraordinaires des intellectuels de cette époque, ainsi que… la manière de fabriquer et diffuser un livre. ©Electre 2016

Références de ce livre dans Babordplus

Taton Rene, Cazenave M.-L. Contribution à l’étude de la diffusion du De Revolutionibus de Copernic [Inventaire des exemplaires des 2 premières éditions]. In: Revue d’histoire des sciences, tome 27, n°4, 1974. pp. 307-328.

Article à consulter sur Persée

Dans cet inventaire des exemplaires conservés en France, le nôtre (Bibliothèque Universitaire des Sciences et Techniques) n’avait pas alors été repéré.

 

Nous remercions Aurélie Delamarre, Catherine Marc, Mireille Bravo, Gil Tisserand de la Bibliothèque Universitaires des Sciences et Techniques d’avoir permis l’exécution de ce chantier.

 

 

Les chantiers de restauration sont à suivre sur le blog et pour toutes questions sur les fonds anciens n’hésitez pas à contacter Romain Wenz à l’adresse suivante : romain.wenz@u-bordeaux.fr

 


crédit photos : Fabrice Zambau – Université de Bordeaux – Scoop