L’intégralité du Bulletin de l’Institut du Pin en ligne sur Babord-Num

Les origines d’un centre de recherche d’envergure internationale

Dès la fin du XIXème et le début du XXème siècle, des activités de recherche s’organisent dans la région bordelaise dans un contexte où l’industrie et l’économie du pin sont remises en cause avec l’avènement de la pétrochimie.

En 1900, le chimiste Maurice Vèzes crée le Laboratoire de Chimie appliquée à l’industrie des Résines à la Faculté des Sciences de Bordeaux. La mission du laboratoire est alors de trouver de nouveaux débouchés aux produits résineux pour faire face à la crise connue par le secteur.

Il est rejoint après la Première Guerre mondiale par le jeune chimiste Georges Dupont. Les deux hommes créent, au début des années 1920, l’association loi 1901 « Institut du Pin ». Cette association permet au Laboratoire de Chimie appliquée à l’industrie des Résines de recevoir des financements publics et privés.

De la fin des années 20 à la fin de la Seconde Guerre mondiale, le laboratoire accueille des étudiants du monde entier. Les activités de recherche sont alors importantes et reconnues au niveau international.

À partir de 1933, Georges Brus succède à la direction du laboratoire. En 1937, le mode de fonctionnement qui lie le laboratoire à l’association est remis en question. Il prend alors la dénomination « Institut du pin ».

Après la Seconde Guerre mondiale, le laboratoire diversifie ses domaines de recherche pour s’intéresser à la pharmaceutique et même l’aérospatiale.

L’Institut du Pin ferme ses portes à la fin des années 2000 et ses anciennes activités sont rattachées à différentes structures de recherche.

Le Bulletin de l’Institut du Pin

Le Bulletin de l’Institut du Pin naît au moment de la création de l’association Institut du Pin. Son premier numéro paraît en juin 1924 et il cessera en mars-avril 1939. Sa fréquence de publication est mensuelle et se compose de trois séries (sans coupures entre elles) :

  • Première série de juin 1924 (n°1) à décembre 1929 (n°67)
  • Deuxième série de janvier 1930 (n°1) à novembre-décembre 1934 (n°59-60)
  • Troisième série de janvier 1935 (n°1) à mars-avril 1939 (n°51-52)

Les premiers numéros sont édités de manière « artisanale » avant d’être confiés aux rotatives d’une imprimerie bordelaise à partir du numéro 8 (janvier 1925). La publicité fait son apparition dans le bulletin suivant (n°9 de février 1925).

Le Bulletin propose essentiellement des articles sur les travaux scientifiques menés dans le Laboratoire. On y trouve également des rapports et des délibérations. Son contenu témoigne de l’intense activité du laboratoire de la fin des années 1920 jusqu’à la Seconde Guerre mondiale.

La numérisation et la mise en ligne du bulletin

Cette numérisation s’est appuyée sur la collection complète de la bibliothèque universitaire des sciences et techniques classée au Plan de Conservation Partagée Aquitain (PCAq).

Ce projet de numérisation est lié à une volonté de mettre en avant une publication locale qui témoigne d’une grande activité scientifique dans un contexte historique et économique particulier pour la région Aquitaine.

Ce bulletin représente également la mémoire de l’Institut du Pin qui a fait l’objet d’un appel à valorisation de ses archives il y a quelques années. Cette numérisation contribue à cette action et son aboutissement est la création d’une collection dédiée sur Babord-Num : http://www.babordnum.fr/collections/show/8

Il y a, enfin, le souhait de développer cette thématique et vous pouvez y contribuer en faisant part des documents qui pourraient l’enrichir.

 

Le point de vue du chercheur

Marcin Krasnodębski est chercheur postdoctoral en Histoire des sciences, des techniques et de l’environnement à l’Institut national de recherche en sciences et technologies pour l’environnement et l’agriculture (IRSTEA). Il est également membre du Laboratoire Sciences Philosophie Humanités.

Il est l’auteur d’une thèse intitulée L’Institut du Pin et la chimie des résines en Aquitaine « 1900-1970 ».

Quel a été l’apport du contenu du Bulletin de l’Institut du Pin dans votre travail de recherche ?

Le Bulletin de l’Institut du Pin a été au cœur de mon travail de thèse. Il donne un regard unique sur l’histoire de la chimie des résines et du bois de pin dans l’Entre-deux-guerres. Il est important de souligner le caractère polyvalent du Bulletin. Ce n’est pas juste une collection d’articles scientifiques, mais surtout un lieu d’échanges sur l’état de l’industrie et des trajectoires économiques envisageables. Dans ce sens, le contenu du Bulletin m’a permis de construire une réflexion plus théorique pour expliquer la complexité des relations entre les mondes universitaire et industriel en France. Il est en conséquence l’une des sources privilégiées pour mes publications dans les revues internationales où j’essaie de présenter l’histoire de la recherche appliquée dans l’Hexagone tout au long du 20e siècle.

Que représente cette mise en ligne du Bulletin de l’Institut du Pin pour le secteur de la recherche sur les résineux voire pour le secteur industriel ?

La mise en ligne du Bulletin de l’Institut du Pin est importante pour deux raisons. D’abord, son contenu permet d’analyser de manière critique les trajectoires de valorisation de la forêt landaise. Plusieurs questions posées par le secteur du bois aujourd’hui en Aquitaine ont déjà été formulées dans les années 1920 et 1930. La monoculture du pin a-t-elle un sens ? Faut-il chercher des espèces ou moyens d’exploitation alternative ? Le regard historique sur le potentiel de la biomasse peut se révéler particulièrement fructueux si on le croise avec les phénomènes contemporains tels que l’émergence des bio-raffineries dans les Landes.

Mais le contenu du Bulletin est aussi important sur le plan purement scientifique. Il s’agit d’une revue unique en matière de chimie des résines, une discipline qui n’est plus autonome au sein de l’université. Les résultats de recherche sur les propriétés de l’essence de térébenthine, et les défis théoriques liés à la classification des substances résineuses n’ont perdu rien de leur actualité.

Et va-t-elle favoriser la mise en valeur des travaux de recherche de l’Institut du Pin ?

Je pense que la mise en ligne du Bulletin de l’Institut du Pin peut favoriser la découverte du patrimoine scientifique et universitaire de Bordeaux en général. Même si l’histoire de l’Institut du Pin ne peut intéresser qu’un cercle restreint de lecteurs, il s’agit d’une institution qui est restée pendant presque une centaine d’années au cœur du tissu industriel et universitaire bordelais. Son histoire c’est tout d’abord l’histoire de la Faculté des Sciences de Bordeaux. Plusieurs directeurs de l’Institut ont été aussi les doyens, et son influence sur les trajectoires de recherche est visible jusqu’à aujourd’hui à l’Université de Bordeaux. Dans ce sens, je pense que la mise en ligne du Bulletin est la première étape sur le long chemin ayant pour but de reconstruire ce patrimoine régional largement oublié. Et par c’est là où réside le véritable intérêt de cette initiative.

Pour aller plus loin

Notre publication fait écho à un article paru dans le dernier numéro de « Mag U » écrit par Marcin Krasnodębski à propos de Georges Brus : https://www.u-bordeaux.fr/content/download/85949/662113/version/1/file/magU9_2019.pdf


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