Babord-Num ouvre les archives du Musée d’ethnographie de Bordeaux

Connaissez-vous le Musée d’ethnographie de Bordeaux ?

De la pathologie à l’ethnographie

Le Musée d’ethnographie de Bordeaux (MEB) est né en 1894, six ans après la création de la faculté de Médecine et Pharmacie et quatre ans après l’ouverture de l’École principale de Santé de la Marine ; c’est alors le second musée d’ethnographie exotique créé en France.

Son histoire est liée aux deux établissements. Les navalais étaient en effet formés à la médecine pathologique exotique au sein de la faculté avant d’aller pratiquer dans les colonies françaises. De leurs missions,  ils envoyaient ou rapportaient des objets, des photos, de la faune ou bien encore de la flore à des fins pédagogiques destinés à préparer les étudiants et futurs collègues en partance pour l’outre-mer.

C’est ainsi que le doyen de l’université, Albert Pitres, sur une proposition du Professeur Alexandre Le Dantec, annonce dans un discours en 1894, la création du « Musée de Pathologie exotique et d’Études coloniales » qui associait de l’anatomie et de la pathologie, de la pharmacopée et de l’histoire naturelle à quelques artefacts d’ethnographie.

En 1896, le docteur Laurent, médecin navalais, est le premier à envoyer des photos et des objets témoignant de la culture et de la vie des peuples des colonies. Ces objets rejoindront les objets médicaux. De par l’afflux de ce nouveau contenu, le musée devient le « Musée ethnographique et colonial » puis « Musée d’ethnographie et d’études coloniales ».

Le docteur Laurent insuffle une dynamique de don qui sera reprise par ses successeurs. Les navalais partageront les objets récoltés lors de leurs voyages afin de faire grandir les collections du musée.

Un homme va également œuvrer à l’émancipation du musée : Paul Louis Lemaire, secrétaire général de la Faculté de Médecine et Pharmacie. Sous la direction du Professeur Le Dantec, ce « conservateur autodidacte » va participer au développement des collections et à leur gestion. Il va notamment mettre en place des registres de suivi des dons, réaliser des inventaires et monter des salles d’exposition. Il a également été très actif dans la concession d’importantes collections jusqu’alors entreposées au Musée du Trocadéro (aujourd’hui Musée de l’Homme) et au musée Guimet. Les archives mises en ligne sur Babord-Num et qui font l’objet de cet article, témoignent de ce développement et de cette riche période pour le musée.

A la disparition de Paul Louis Lemaire en 1915, l’activité de musée va ralentir. C’est du moins le constat qui est fait du manque de sources archivistiques jusqu’en 1923. Les deux guerres mondiales ont également eu un impact. Peu à peu, les collections sont déménagées, mises en carton et les salles d’exposition permanentes (qui se trouvaient dans les couloirs de l’actuelle bibliothèque universitaire des sciences de l’homme) sont abandonnées.

C’est en 1977, que le professeur d’anthropologie, Monsieur Meriot, décide de relancer l’activité du musée. Il programmera notamment une dizaine d’expositions temporaires dans différents lieux (accueil de la faculté Victor Segalen place de la Victoire, cours Mably,…). Les collections étaient alors entreposées dans des salles de cours non ouvertes au public, rue Broca à Bordeaux.

L’emplacement actuel du musée date de 2009 et son ouverture officielle au public a eu lieu en 2011, avec une nouvelle exposition chaque année.

Galerie sud principale du Musée d’ethnographie de Bordeaux en 1900

Une importante collection

La collection du musée se compose de près de 6 000 objets en provenance d’Asie, d’Afrique, d’Arctique, d’Amérique et d’Océanie. Ils ont pour la plupart été collectés à la fin du XIXème siècle.

Comme expliqué plus haut, un bon nombre de ces objets, originaires d’Asie, sont issus du Musée du Trocadéro et du Musée Guimet.

Le Musée d’ethnographie de Bordeaux possède également 12 000 photographies (dont 8000 plaques de verre) réalisées lors de missions ethnographiques.

Portrait d’Emile Guimet présent dans les archives du Musée d’ethnographie de Bordeaux

 

La collection Babord-Num sur le Musée d’ethnographie de Bordeaux : aux origines du musée

Babord-Num a ouvert son espace, non pas à des objets issus des collections du Musée d’ethnographie de Bordeaux, mais aux sources historiques du musée.

Une collection est dédiée au musée dans la bibliothèque numérique patrimoniale et regroupe les fonds de manuscrits et archives concernant la création du musée : http://www.babordnum.fr/collections/show/9

Les documents disponibles ont été numérisés par le MEB lui-même.

Parmi ces documents, on trouve des listes de donateurs, des correspondances (plusieurs courriers de Paul Lemaire, secrétaire général de la Faculté de médecine et premier conservateur du musée), des coupures de presse, des listes d’achats nécessaires à l’ouverture du musée, les notes de dépôt des concessions du Musée du Trocadéro et du Musée Guimet.

 

Le MEB  vu par le MEB

Gaëlle Cartault gère la partie administrative du musée ainsi que la documentation et les archives. Elle a notamment beaucoup travaillé sur ces dernières qu’elle a dépouillées et inventoriées,  et a ainsi pu retracer en partie l’histoire du musée. Elle a bien voulu répondre à nos questions.

 Sept ans après sa réouverture, est-ce que les riches collections  de ce musée ont trouvé leur public ?

Les gens sont aujourd’hui assez curieux vis-à-vis des collections extra-européennes, mises à l’honneur avec  le musée du Quai Branly. Jusqu’à notre ouverture au public en 2011, ces collections n’étaient connues que des  anciens étudiants qui fréquentaient la fac de la Victoire jusque dans les années 1990. Et puis doucement mais sûrement, tant par le bouche-à-oreille que la participation du MEB aux grandes manifestations culturelles nationales (Journées du patrimoine, Nuit des Musées, etc), nous avons réussi au fil des ans à fidéliser un public sur des expositions très diverses, scientifiques et/ou patrimoniales. Nous faisons aussi beaucoup pour l’accueil des scolaires de tous âges : ce sont nos futurs visiteurs adultes !

Que représente la mise en ligne de ces archives pour le musée ?

Le travail fait sur les archives (inventaire, numérisation, conservation) était en premier lieu destiné à une utilisation en interne, pour renseigner tant les collections que l’histoire du musée. Nous devions également les déposer sur notre site UB pour offrir à nos visiteurs un peu plus d’informations sur le musée qu’ils allaient ou avaient déjà visité, mais cela n’a pas été possible pour des raisons techniques.

Avec la mise en ligne sur Babord-Num, nous accédons à  une visibilité beaucoup plus large tant d’un point de vue des particuliers que de celui des scientifiques. Cela pourrait aussi nous mettre en lien avec des chercheurs sur des collections ou des collecteurs similaires et nous ouvrir d’autres perspectives sur l’histoire même de notre institution.

Où et comment sont conservées ces documents ?

Tous les documents sont actuellement gardés au musée, selon les normes de conservation préventive (boites en polypropylène, chemises en polyester). Ils ont été numérisés  afin de ne plus avoir à les manipuler physiquement car  beaucoup sont assez fragiles, et à terme sont destinés à rejoindre les Archives Départementales. Quand on sait qu’ils ont été retrouvés de façon assez hasardeuse dans les combles de la faculté et qu’ils auraient très bien pu partir à la poubelle directement, je me dis qu’ils méritent vraiment leur statut d’archives historiques et donc un soin tout particulier.

Parmi les documents mis en ligne, est-ce que certains méritent une attention particulière ou ont un caractère précieux pour l’histoire du MEB ?

Bien sûr puisqu’ils nous renseignent aussi sur une histoire pas toujours officielle. Car outre des articles dans des journaux de médecine de l’époque et de la correspondance officielle entre la faculté et certains ministères par exemple, on trouve également des courriers plus privés entre Paul Louis Lemaire et quelques navalais devenus amis au fil des années et de l’intérêt commun porté au musée : ce sont des personnalités et acteurs  qui émergent , et non plus une histoire sans affect d’une institution parmi d’autres.

Ils nous renseignent aussi sur une histoire pour laquelle il n’y a plus aucun témoin ou mémoire vivante malheureusement.

Certains documents nous permettent enfin de se faire une idée de la façon dont on envisageait tant la documentation  que la conservation d’objets venant « d’ailleurs », et finalement sur l’émergence de l’ethnographie en France, loin de l’engouement actuel.

Depuis la mise en ligne des archives, avez-vous été sollicités pour la consultation de ces documents ?

Quelques étudiants sont venus pour des recherches concernant un type d’objet ou de collection, certains sur un collecteur présent dans nos collections, mais dans tous les cas, ils ne sont pas encore assez nombreux à mon goût !

Pour aller plus loin

Nous vous invitons à pousser les portes du musée, à deux pas de nos bibliothèques et au cœur de notre campus, pour découvrir toutes ces richesses.

Le MEB dispose également d’un site internet : https://meb.u-bordeaux.fr/

Vous pouvez également découvrir ses collections sur son catalogue en ligne : https://webmuseo.com/ws/meb/app/report/index.html

 

 

Merci à Gaëlle Cartault pour sa contribution à l’article.


Crédits photos : Musée d’ethnographie de Bordeaux